Pédaler à 10 en Zélande

Pédaler à 10 en Zélande

9 avril 2022 Divers Voyage à vélo 0

Ecrire sur cette aventure s’est révélé complexe, et voici donc 2 formats bien différents. La première version se veut plus lyrique, la deuxième plus pratique.

Version Alpha

C’est l’histoire d’une bande d’ami·es, qui tente malgré leurs jeunes enfants de se retrouver entre adultes pour respirer. Notre dernière respiration a eu lieu aux confins de la Belgique et en Zélande (l’ancienne) sur la fin du mois d’octobre et le début du mois de novembre 2021. Pas d’exploits sportifs, juste une aventure. La suite du récit sera principalement à la première personne du singulier, ce que j’écris n’engage que moi, même si j’ai reçu la bénédiction des participant.es pour raconter.

Quand je laisse mes enfants pour partir à l’aventure, je suis souvent tiraillé entre l’envie de profiter d’être sans eux et l’hypothèse de vivre ces péripéties en famille. Tout serait bien différent. Pour l’heure je suis avec ma compagne dans un train qui nous mène à Paris, et nous profitons de ces moments rares où l’on se sent déjà ailleurs. Nous rejoignons la gare du nord, démontons nos vélos et retrouvons Claire* et Titouan* (*les prénoms ont été changé car cela m’amuse beaucoup) pour nous glisser dans le Thalys.

Cette ligne de train express est une de mes préférées, elle sent l’Europe a plein nez ! La Belgique a toujours été pour moi une destination associée au vélo : Bruges en tandem, Bruxelles en singlespeed puis en vélo pliant, j’ai mes petites habitudes.

La gare d’Anvers m’a plongé dans un contexte différent. Les images qui m’accueillent me renvoient vers Rabbi Jacob et Anne Frank. Nous sommes dans le quartier juif, un vendredi (jour du début du Shabbat). Après une pause gastronomique (Jupiler et frites), nous organisons l’arrivée du reste du groupe. Jen* et Nico* nous rejoignent, nous récupérons des vélos de voyage pour les cavalier·es sans monture, et nous attendons bien sagement (dans un bar à bières) les deux derniers de la soirée : Gabriel* et Pauline*.

8/10

Le grand départ a un peu de retard, la faute à une nuit trop courte. Mais qu’importe, il faut décoller. La pluie se lance, elle aussi. Elle ne s’arrêtera que pour déjeuner. Sortir du port d’Anvers est en soi une expédition. Nous nous familiarisons avec le système d’itinéraires, nous suivons les digues, longeons des raffineries, traversons des écluses énormes mais tout cela sur des pistes cyclables quasi-parfaites.

Ecluses : priorité aux cargos !

Vers midi, nous quittons la zone portuaire et en franchissant la frontière, nous échappons de peu à un automobiliste pressé et agressif : Welkom in Zeeland ! L’après-midi est dur, nous sommes trempé·es (en tout cas je le suis), le vent souffle fort, mais la campagne est belle et bucolique ! Nous arrivons finalement au camping de Wemeldinge qui offre des cabanes où dormir au chaud et un décor délicieux.

Port de Wemeldinge

Quel est le comble pour un professionnel du cycle ? C’est de devoir réparer la seule crevaison (sur un groupe de 8 si vous avez suivi) sur son propre vélo et ce juste avant de partir. C’est exactement ce qui m’est arrivé. En fait, j’avais aussi très envie de tester le pied d’atelier permanent installé devant le camping. La matinée de vélo commence en longeant un bras de mer réputé pour la pureté de ses fonds marins et il faut avouer que la vue est splendide ! C’est dimanche et la piste qui longe les plages est très fréquentée. Les cyclistes que nous croisons nous saluent façon père Noël : « Hoy« .

Un ami, c’est quelqu’un qui vous soutient, surtout quand vous êtes à plat !

Passage express dans la jolie ville de Goes et nous poursuivons la route. Le vent souffle fort et nos estomacs demandent une pause. Elle a lieu auprès d’une digue qui ne nous protège pas de la pluie qui a repris. Les crevaisons n’arrivent jamais au bon moment et c’est ainsi que je me suis retrouvé à changer une chambre à air sur une roue à moyeu Rohloff et courroie. Note pour les nomades : pensez à emporter avec vous un·e technicien·ne vélo surtout quand vos montures sont équipées de la sorte.

Un ami peut aussi avoir des goûts bizarres pour la technologie
(ici un gonfleur sur batterie…), mais il reste un ami.

La suite de l’après-midi se fera sous une pluie glaciale, seule la présence des ami·es me donnera l’énergie d’avancer. Nous devons retrouver Pierrick* et Jeanne* à la gare de Middelburg. Nous les accueillons sous un déluge et nous fonçons plein sud en suivant canal direction : la mer. Vlissingen est une petite Saint-Malo du nord. La ville est le berceau du Surcouf hollandais et ses ruelles sont un dédale parfaitement adapté pour fêter nos retrouvailles. Nous sommes désormais 10 à poursuivre l’aventure.

Cité corsaire

Le bac qui part de Vlissingen est la seule solution pour traverser le bras de mer à cette période de l’année, il était donc prévu que nous l’empruntions depuis longtemps. L’arrivée à Breskens est l’occasion de renouveler notre garde-robe de pluie qui a été mise à mal. En sortant de la ville, le groupe se scinde en deux. Certain·es choisissent la route protégée par la digue, les autres privilégient l’itinéraire au bord de l’eau. Je suis de cette équipée. Je découvre un paysage délicat où les moutons paisibles contemplent la légère houle. Spontanément, nous nous sommes tus, comme si ce spectacle nous laissait sans voix (chose rare pour quiconque pédale en ma compagnie).

« Dans le courant d’une onde pure »

Quelques kilomètres plus loin, les deux groupes font la jonction et nous fonçons vers Terneuzen. Je roule en gravel, et un passage en forêt m’encourage à décoller les fesses de ma selle. La première série de virages a raison de ma témérité et je m’étale lamentablement dans un lit de feuilles. Mon honneur est sauf, personne n’a assisté à la scène mais mon pantalon boueux trahit ma gamelle. Il ne restera pas longtemps dans cet état. Notre déjeuner est rapidement interrompu par des trombes d’eau et nous nous abritons sous l’auvent d’une médiathèque avant de repartir. En trois minutes, mon falzar est rincé à l’eau claire.

rayon de soleil

Vers 19h, nous passons la frontière où nous avons prévu de dormir. Le camping de Fort Bedmar est posé dessus. Nous sommes trois à nous charger du ravitaillement au bourg le plus proche qui présente le défaut d’être belge (le 1er novembre est férié dans le royaume de Belgique, ce n’est pas le cas dans celui batave). La fête a lieu malgré tout et après une nuit réparatrice, il ne nous reste plus qu’à rejoindre Anvers pour, déjà, nous séparer.

Borne to be alive

La pluie, encore elle, est de la partie jusqu’à l’étonnant tunnel-escalator qui franchit l’Escaut. En circulant dans le centre-ville d’Antwerpen (ah oui, je n’en ai pas parlé, mais notre périple est multi linguiste), j’ai l’a sensation de ne pas vraiment l’avoir découvert, il faudra donc revenir. Nous remettons les vélos trempés au loueur qui, tout en gentillesse, nous envoie vers des burgers, des frites et des bières. Ce menu gourmet sonne la fin de notre escapade. C’est sûr, il y en aura d’autres !

Version Bêta

Récit d’une boucle au départ d’Anvers (nord de la Belgique) en 3 jours entre octobre et novembre. Il y aurait beaucoup à raconter sur cette épopée humide, mais pour vous qui nous lisez, nous viserons l’essentiel en espérant inspirer d’autres voyages.

C’est l’histoire d’une idée un peu farfelue : voyager à 10 adultes à vélo. Principe simple qui s’est vu ajouter quelques difficultés :

  • parmi ces 10 cyclistes du quotidien, certains étaient en attente de dépaysement, de traversées de frontières, d’exotisme
  • parmi ces 10 aventuriers et aventurières, 2 rejoindraient la troupe 1 jour et demi plus tard
  • parmi ces 10 intrépides, beaucoup souhaitaient le confort de logements en dur
  • parmi ces 10 nomades, 2 partiraient avec leurs propres vélos

Après quelques semaines de préparation pour définir l’itinéraire, réserver des logements, organiser le matériel individuel, retenir les billets de trains, louer 8 vélos de voyage, se familiariser avec les règles sanitaires, nous nous sommes retrouvés un vendredi de fin octobre dans une ville surprenante : Anvers/Antwerpen. Voici le déroulé de nos 3 jours à vélos :

Vendredi soir : repérer l’auberge de jeunesse (dortoir confortable et bien placé), récupérer les vélos chez le loueur (+ de détails dans la suite de l’article), découvrir les spécialités locales (bières…).

Samedi matin : sortir d’Anvers et surtout de sa très grande zone portuaire. Appréhender le système d’itinéraires cyclables, attendre que les porte-conteneurs franchissent les écluses, arriver aux Pays-Bas, découvrir le délicat partage de la route entre vélos et autos, tenter d’éviter la pluie, essayer de se sécher pour manger.

Samedi après-midi/soir : comprendre que les digues sont des fantastiques protections contre le vent, longer un canal, faire demi-tour à cause d’un sprint (47km/h !!), déguster les spécialités locales (fruits de mer…), flâner sur la plage dans la nuit.

Dimanche matin : réparer une première crevaison, longer une baie sublime, traverser Goes (une ville charmante), souffrir du vent de face.

Dimanche après-midi/soir : réparer une deuxième crevaison sur une roue Rohloff (voir + bas), se faire rincer, être usé par le vent, le froid et la pluie, se faire sécher en terrasse, et foncer vers le bord de mer, se restaurer, et sécher ce qui peut l’être.

Lundi matin : Prendre le ferry à Flessingue, traverser le bras de mer, et débarquer à Breskens, se régaler d’un décor de toute beauté (l’impression de rouler au milieu de l’eau), lutter contre le vent, s’arrêter pour manger, se faire tremper.

Lundi après-midi/soir : repartir sous la pluie, dire au revoir à la mer, continuer à pédaler, rejoindre la frontière, passer en Belgique, découvrir que le 1er novembre est férié en Belgique, trouver une alternative pour manger, festoyer.

Mardi matin : rouler en Belgique, redécouvrir les villes sous la pluie, chercher des abris, continuer jusqu’à Anvers, traverser l’estuaire par un tunnel incroyable et des escalators vintage en bois, rendre les vélos trempés, se régaler, admirer la gare, dire au revoir aux amis, rentrer chez soi.

Note : le temps de trajet n’est pas celui indiqué, il ne tient pas compte des conditions météo

Les logements : Comme évoquée, l’idée était de privilégier des logements en dur (pour s’éviter le transport des tentes). Pas simple de trouver pour 10 personnes, les auberges de jeunesse étant principalement situées dans les grandes villes. Par ailleurs, de nombreux logements n’étaient pas disponibles car la période n’était pas propice au tourisme. De nombreux (gros) campings proposent des cabanes de campeurs (idéales pour les voyageurs de passage) avec le confort simple mais efficace. En cette saison, les voisins n’ont pas dû être dérangés, il n’y en avait pas !

L’itinéraire : Il a été complexe à établir car il dépendait des hébergements, et des possibilités de faire une boucle. A noter : toutes les traversées des bras de mer ne sont pas possibles en novembre et certains ponts ne sont pas accessibles aux voitures. Pour autant, il faut souligner l’incroyable maillage cyclable que nous avons trouvé aux Pays-Bas et en Belgique. Dans certains cas, ça en est même déroutant : en fonction de la couleur de votre piste (rouge dans ce cas), les voitures doivent vous laisser passer en sortie de rond point ! L’idéal est de dessiner son itinéraire (le fabuleux site OpenCycleMap.org !!!) en amont et de noter les points de passage (et retenir des séries de numéros) Pour vous familiariser avec ce concept, on vous invite à lire Le Tour de Belgique de Monsieur Iou !

Si vous parvenez à lire cette carte, foncez, vous êtes prêt·es !

Les vélos : deux d’entre nous s’étaient permis le luxe (et l’inconfort dans les trains) d’apporter leurs vélos gravel. Equipés en mono-plateau, 10 vitesses à l’arrière avec des leviers à frictions, des freins à disques mécaniques, ils étaient particulièrement véloces. Principal défaut : des garde-boues auraient été très très utiles ! Tous les autres vélos ont été loué chez Cyclant. L’équipe a été remarquablement accueillante et arrangeante, et les 8 vélos de trekking étaient parfaits. Attention toutefois : ils sont équipés en moyeux Rohloff, la crême de la crême pour le voyage, mais en cas de crevaison, il faut connaître leurs fonctionnements.